Quelques mois plus tôt, Émilie avait déjà été récompensée à Cannes d’un prix d’interprétation mixte créé spécialement pour elle dans la section
Un certain regard.
Émilie Dequenne venait de secouer la Croisette avec son incarnation d’une femme à la dérive, broyée dans un implacable mécanisme d’aliénation, qu’elle n’avait pas entrevu.
Bouleversante, Émilie est le cœur et l’équilibre instable du film. Elle réussit l’exploit de rendre attachante une femme que tout le monde devrait haïr, ce qui a naturellement troublé certains spectateurs. Elle est aussi au centre d’une scène qui restera dans les annales du 7e art et qui aurait pu susciter à elle seule la ressortie de tout le catalogue discographique de Julien Clerc.
Hasard ou coïncidence, 13 ans plus tôt,
Émilie Dequenne avait commencé sa carrière au même endroit. À Cannes, en sélection officielle,
Rosetta, qui marque ses débuts devant la caméra décrochait une Palme d’Or, la première des frère
Dardenne, la naissance de leur légende. La jeune Belge y recevait également le prix d’interprétation féminine, à égalité (on l’a un peu oublié) avec Séverine Caneele, vue dans
L’Humanité de Bruno Dumont. Séverine était une autre actrice belge, née 25 ans plus tôt à Nieuwkerke. Ça aussi on l’a un peu oublié.
Le parallèle entre les deux comédiennes est d’ailleurs saisissant. L’une tourna encore trois films avant de quitter la ligne de mire de la critique ciné tandis qu’Émilie enchaîne les longs métrages les plus divers, parfois les plus inattendus.
Sortir de l’univers réaliste des frères Dardenne pour rejoindre la folle aventure du
Pacte des Loups, peut sembler incongru. Mais le blockbuster historique d’horreur kung-fu (oui, oui) imaginé par Christophe Gans est une vraie curiosité, un délire visuel qui fédère plus de cinq millions de spectateurs en France. Quoi qu’on pense de l’identité artistique du film, la carrière d’Emilie Dequenne est définitivement lancée.
Dans la foulée, elle décroche les rôles principaux de
Oui, mais… avec Gérard Jugnot et d’
Une femme de ménage de Claude Berri avec Jean-Pierre Bacri. On retrouve ensuite Émilie au cœur d’un mélo choral,
Avant qu’il soit trop tard et dans quelques seconds rôles marquants comme dans
L’Équipier de Philippe Lioret ou
Le Grand Maulnes.
La caractéristique de l’actrice est déjà d’arriver là où on ne l’attend pas : après
La Fille du RER, elle enchaîne
La Meute, un film d’horreur,
Möbius, un thriller high profile ou
La Traversée, long métrage étrange où Michael Young tente sa chance dans un rôle sérieux…qui n’emballe pas les spectateurs (moins de 70.000 entrées en France).
Dans la carrière d’Emilie Dequenne, il y a des hauts et des bas, des moments comiques et des drames, des grands rôles marquants et d’autres plus anecdotiques, mais toujours son aura reste intacte et la jeune actrice s’affirme comme une icône de plus en plus présente au cœur du cinéma francophone
Divin enfant vient tout juste d’être distribué en France : le soir du réveillon, une jeune femme (Émilie, donc) annonce à son mari qu’elle est enceinte. Rien d’extraordinaire a priori si ce n’est que lui, elle l’ignore encore, ne peut pas avoir d’enfant.
Un peu plus tard dans l’année, on la retrouvera dans
Pas son genre qui marque pour notre compatriote
Lucas Belvaux un retour à des préoccupations plus légères après deux longs métrages très sombres,
Rapt et
38 Témoins. Cette comédie romantique (qui sort des sentiers battus) conte histoire de Clément, jeune professeur de philosophie parisien qui est affecté à Arras où il rencontre Jennifer, une jolie coiffeuse, qui devient son amante. Jennifer, c’est bien sûr Emilie Dequenne.
En mars enfin, l’actrice hennuyère participera au nouveau long métrage de Joachim Lafosse, Les Chevaliers, un film ambitieux basé sur un fameux fait divers qui sera tourné entre la Belgique et le désert avec Vincent Lindon, Valérie Donzelli, Reda Kateb, Yannick Renier, Catherine Salée et Stéphane Bissot.
Mais avant cela, le 1er février, Emilie Dequenne sera à Bruxelles. Un an après avoir reçu son Magritte, elle remontera sur la scène du Gold Hall puisqu’elle a accepté de succéder à Yolande Moreau et d’être la Présidente d’honneur de cette 4e édition des Magritte.
Sur le tapis bleu, elle retrouvera Fabrizio Rongione, amphitryon de la soirée, qu’elle connaît depuis l’aventure Rosetta. Une belle histoire, simple et souriante, une amitié très belge… qui devrait donner le ton de la cérémonie.