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Les Magritte du Cinéma
13e édition - 9 mars 2024

11 février 2022 - 08:29:46

Meilleur film 2022: les nominations

Difficile de dégager des favoris pour cette 11e édition des Magritte du Cinéma! D’un côté, Un Monde et Une vie démente, deux premiers longs métrages, entièrement tournés en Belgique avec des budgets limités cumulent les chances avec respectivement 10 et 12 nominations. De l’autre, on retrouve des habitués de la Cérémonie et des honneurs internationaux, Joachim Lafosse et ses Intranquilles, sélectionné en Compétition à Cannes, Fabrice du Welz et son Adoration, projeté sur la prestigieuse Piazza Grande à Locarno, ou encore Filles de joie d’Anne Paulicevich et Frédéric Fonteyne, qui représentait la Belgique aux Oscars l’année dernière.
Avec Adoration, Fabrice du Welz livre un conte âpre et sensoriel, aussi lumineux qu’effrayant, sur l’amour fou qui unit un jeune garçon innocent et une jeune fille psychologiquement fragile. Le spectateur est invité à un voyage fantastique peuplé d’ombres étranges, de personnages inquiétants, mais aussi de beauté et de lumière. Adoration est un film résolument sensuel. L’approche du cinéaste est viscérale, et fait écho au caractère absolu de l’amour qui terrasse le jeune Paul, pas forcément préparé à ce déluge de sentiments, mais prêt à l’affronter. Un amour qu’il embrasse avec une force qui tend au mysticisme. Le voyage de Paul et Gloria nous mène au coeur de l’embrasement amoureux. Si Adoration clôt donc un chapitre, celui de la trilogie ardennaise du réalisateur, il ouvre aussi une nouvelle brèche, peut-être plus personnelle, dans la filmographie de l’auteur. 

Adoration, 6 nominations au total, est produit par Vincent Tavier pour Panique! On avait jusqu’ici plutôt croisé la société en court métrage, où elle brillait d’ailleurs lors de la 10e édition en remportant le Magritte du Meilleur court métrage d’animation pour La Foire Agricole de Vincent Patar et Stéphane Aubier. Mais Vincent Tavier a en revanche déjà été lauréat du Magritte du Meilleur film, en 2014, pour Ernest et Célestine, film qu’il avait produit avec sa société précédente, La Parti Production.

Avec Filles de joie, Anne Paulicevich et Frédéric Fonteyne livrent leur version du film de super-héros, ou plutôt, de super-héroïnes. Axelle, Dominique et Conso mènent une double vie. Anne Paulicevich et Fréderic Fonteyne nous invitent à les suivre dans leur combat quotidien pour rester dignes, faire face aux aléas de la vie qui les ont poussées à recourir à la prostitution comme bouée de sauvetage, arme de survie. Si les épisodes successifs de leurs vies relèvent plus du drame que la comédie, l’humour, toujours présent, constitue une soupape indispensable pour faire retomber la pression. Il y a de la joie chez ces filles si bien nommées. De la joie malgré les larmes, les blessures. De la joie, même si en creux, le film n’est une fois de plus pas tant un film sur la prostitution que sur les violences faites aux femmes, violences physiques et sociales.

Filles de joie, 3 nominations au compteur, est produit par Jacques-Henri Bronckart pour Versus Production, dont c’est la 10e nomination dans cette catégorie, déjà remportée à quatre reprises avec Les Géants de Bouli Lanners en 2012, A perdre la raison de Joachim Lafosse en 2013, Les Premiers les derniers de Bouli Lanners en 2017, et Duelles d’Olivier Masset-Depasse en 2020. Versus Production est également en lice cette année pour le Meilleur film flamand avec Rookie.

Avec Les Intranquilles, son 9e long métrage, Joachim Lafosse revient à un cinéma de l’intime, auscultant la trajectoire d’un couple séparé par la maladie, une défaillance, quand l’un des deux semble s’absenter du couple alors que l’autre s’y surinvestit. Dans L’Economie du couple, Joachim Lafosse se demandait: que reste-t-il de nos amours? Avec Les Intranquilles, il sonde la possible rencontre amoureuse, la vraie, celle qui surmonte les séismes, qui passe outre l’incapacité de l’autre à correspondre en tous points à celui ou celle que l’on attendait, que l’on espérait.

Les Intranquilles, 6 nominations, est produit par Anton Iffland Stettner et Eva Kuperman pour Stenola Productions, présent pour la première fois dans cette catégorie. Un beau baptême du feu pour cette jeune société, qui avait jusqu’ici produit des longs métrages à budget limité (Even Lovers Get the Blues, Tokyo Anyway), et qui en plus de cette belle salve de nominations aux Magritte du Cinéma, se voyait également gratifiée d’une sélection officielle en Compétition à Cannes en juillet dernier.

Avec Un monde, son premier long métrage, Laura Wandel offre une immersion aussi puissante que bouleversante dans la vie de Nora, 6 ans, lâchée dans le grand bain de l’école primaire, et témoin, à sa hauteur, du champ de bataille que peut être une cour de récréation. On y voit, bouleversé, tout ce qui échappe au regard des adultes, faute d’être porté à la bonne hauteur. La concentration du point de vue, et la création d’un hors champ physique et symbolique fort font de Un monde un huis clos étouffant, au coeur de l’école. Un film à voir absolument, pour se souvenir parfois, mais surtout pour peut-être changer la manière dont on s’adresse aux enfants, et se souvenir qu’à leur hauteur, l’école est un champ de bataille.

Un monde, 10 nominations, est produit par Stéphane Lhoest pour Dragons Films. Il s’agit de la première nomination de la société dans cette catégorie. Entièrement produit en Belgique, le film est en lice dans les principales catégories techniques, mais aussi pour le Meilleur premier film, ainsi que dans les catégories Meilleur espoir pour ses stupéfiants jeunes comédiens. Il était également sélectionné à Cannes dans la section Un certain regard.

Avec Une vie démente, Raphaël Balboni et Ann Sirot marchent avec légèreté sur un fil tendu dans le vide, trouvant un équilibre d’autant plus beau qu’il est fragile entre humour et émotion, gravité et légèreté. Ils abordent avec détermination et fantaisie la question de la maladie, la tirant du côté de la vie. Etrangement, alors que l’aliénation mentale de Suzanne, l’héroïne atteinte d’une maladie neuro-dégénérative la libère, qu’elle est comme délestée de toute inhibition, c’est son fils qui va devoir à son tour s’affranchir. Cette folie, que dit-elle en fin de compte de nos vies bien rangées, où tout est si cadré? L’économie de moyens est ici transcendée par une créativité formelle habile et signifiante. Le procédé d’invention du récit en collaboration étroite avec les comédien·nes offre un sentiment de vérité saisissant, et donne l’impression que tous, finalement, sont follement en vie.

Une vie démente, 12 nominations, est produit par Julie Esparbes, pour Hélicotronc. Si Hélicotronc connaît bien les Magritte du Cinéma, c’est surtout pour la catégorie Meilleur court métrage de fiction, que la société bruxelloise a remporté lors des 5 dernières éditions avec L’Ours Noir, Le Plombier, Avec Thelma, Icare et Matriochkas. Elle est d’ailleurs une nouvelle fois en lice cette année pour Titan et Sprötch!