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Les Magritte du Cinéma
13e édition - 9 mars 2024

03 février 2022 - 08:42:31

Meilleure réalisation 2022: les nominations

En lice en cette année particulièrement relevée pour le Magritte de la Meilleure réalisation, on retrouve deux réalisateurs chevronnés déjà nominés dans cette catégorie, un duo qui a fait ses preuves en court métrage et qui brille avec son premier long, et une jeune réalisatrice qui parcourt les festivals du monde entier avec son premier film, pré-sélectionné pour les Oscars!
Avec Adoration, Fabrice du Welz livre un conte âpre et sensoriel, aussi lumineux qu’effrayant, sur l’amour fou qui unit un jeune garçon innocent et une jeune fille psychologiquement fragile. Une fois encore, la folie s’impose comme un territoire cinématographique à explorer pour Fabrice du Welz, cette fois-ci par le prisme d’un amour d’une pureté absolue, celui d’un innocent pas encore totalement sorti de l’enfance. Adoration ouvre une brèche, peut-être plus personnelle, dans la filmographie de l’auteur, tendant vers une forme plus épurée et poétique. Une rupture, et sûrement ouverture, vers un cinéma qui tend vers l’intime. C’est la deuxième nomination de Fabrice du Welz dans cette catégorie, après celle pour Alleluia en 2016.

Avec Les Intranquilles, son 9e long métrage sélectionné en Compétition au Festival de Cannes, Joachim Lafosse revient à un cinéma de l’intime, auscultant la trajectoire d’un couple séparé par la maladie, une défaillance, quand l’un des deux semble s’absenter du couple alors que l’autre s’y surinvestit. C’est un travail d’orfèvre, autour d’un couple cassé, abimé, fissuré par la maladie, mais pour lequel révéler les failles permet aussi de les surmonter. Comme si, aussi, la mise en fiction pouvait réparer. Si Damien ne peut pas guérir, peut-il néanmoins changer ? L’amour est-il soluble dans la maladie ? L’art est-il une folie ? Le film parvient à poser des questions théoriques et universelles de façon redoutablement incarnée par Leïla Bekhti et Damien Bonnard, époustouflants de justesse et de sincérité dans cette partition de l’intime. Il s’agit de la quatrième nomination de Joachim Lafosse dans cette catégorie, après Elève Libre en 2011, A perdre la raison en 2013, et L’Economie du Couple en 2017.

Avec son premier long métrage, Un monde, Laura Wandel offre une immersion aussi puissante que bouleversante dans la vie de Nora, 6 ans, lâchée dans le grand bain de la grande école, et témoin, à sa hauteur, du champ de bataille que peut être une cour de récréation. La mise en scène, toujours au plus près de Nora, nous fait ressentir la perte de repères totale de la petite fille, souvent en quête de son équilibre, littéralement et métaphoriquement. On vit avec elle une hyper-sollicitation des sens, notamment de l’ouïe, dans le brouhaha permanent de la cour ou de la cantine. On se souvient avec elle des cours de piscine, on la rejoint dans sa bulle sous l’eau, paradoxale apnée qui lui permet de reprendre son souffle, de couper le lien avec l’extérieur pour prendre le recul nécessaire pour affronter la situation. Le film était sélectionné à Cannes dans la section Un certain regard, où il a remporté le Prix Fipresci (prix de la presse internationale). Il fait également partie des 9 films présélectionnés pour l’Oscar du Meilleur film étranger.

Enfin, avec Une vie démente, Raphaël Balboni et Ann Sirot marchent avec légèreté sur un fil tendu dans le vide, trouvant un équilibre d’autant plus beau qu’il est fragile entre humour et émotion, gravité et légèreté. Ils abordent avec détermination et fantaisie la question de la maladie, la tirant du côté de la vie: que fait-on quand nos parents retombent en enfance? Doit-on mettre sa vie entre parenthèses en attendant ? Pour traiter ce sujet grave, les cinéastes ont choisi de le ramener du côté de la vie. Grâce à leur méthode de travail, à un dispositif saisissant, et à un équilibre surprenant, ils parviennent, sans jamais nier la gravité de la situation, à aborder avec fantaisie et légèreté un sujet lourd, résolvant avec habileté cette riche équation rendue possible par le cinéma: fond tragique x forme comique = émotion. Après avoir été nominés à trois reprises pour le Magritte du Meilleur court métrage (qu’ils ont d’ailleurs remporté en 2019 pour Avec Thelma), il s’agit de leur première nomination dans cette catégorie.