Paloma Sermon-Daï livre la chronique sensible et naturaliste du dernier été de l’enfance d’un frère et d’une soeur, projetés malgré eux dans le monde adulte. Au fil de l’été qui avance, alors que Makenzy s’accroche à son rêve, garder sa maison d’enfance, point d’ancrage et d’identité, Purdey voit peu à peu s’éloigner le sien, étudier pour devenir infirmière. À travers leur parcours teinté tout autant de mélancolie que de joies fugaces, la réalisatrice aborde en sous-marin la question du plafond de verre qui empêche deux adolescents issus d’une classe sociale populaire de sortir de la précarité.
La maison de leur enfance, qui tombe en ruines et dont ils essaient vainement de colmater les brèches, figure à la fois leur héritage et tous leurs repères, mais aussi le poids d’une assignation sociale qui freine leurs élans. Alors que l’enfance se lit encore sur leurs visages, ils sont propulsés dans une réalité quotidienne qui laisse peu de place à l’espoir. A moins peut-être, sûrement même, que le lien indéfectible qui les unit ne les élève.
Il pleut dans la maison est en lice pour les Magritte du Meilleur film et du Meilleur premier film, ainsi que celui de la Meilleure réalisation, confirmant l’aisance avec laquelle Paloma Sermon-Daï a su mettre au service de la fiction l’expérience acquise en documentaire, toujours en nourrissant un cinéma de l’intime, traversé par le poids que la société fait peser sur les épaules de ses personnages. Un cinéma réaliste profondément ancré dans son territoire, une attention aux petits riens qui font les grands « tout », traversé de lumineuses percées de tendresse, que l’on partage dans la torpeur de cet été que nous fait ressentir le traitement photographique de l’image - le chef-opérateur Frédéric Noirhomme est d’ailleurs nominé pour le prix de la Meilleure image.
Le réalisme passe aussi par les choix de casting de la réalisatrice, qui a choisi de confier les deux premiers rôles à Makenzy et Purdey Lombet, frère et soeur à la ville comme à l’écran. Ils offrent toute leur authenticité à leurs personnages, magnifiés par l’écrin de la fiction. Tous deux sont nominés pour les Magritte du Meilleur espoir masculin et féminin. Dernier élément crucial dans l’approche naturaliste du film, les décors, signés par Ladys Oliviera Silvia, qui fait vivre cette maison qui se désagrège, où l’on croit percevoir tous les souvenirs, les frustrations et les espoirs des deux jeunes gens. Son travail lui vaut une nomination dans la catégorie Meilleurs décors. Notons enfin que la comédienne Louise Manteau se voit nominée dans la catégorie Meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation de la mère des deux jeunes gens, un rôle fugace mais ô combien intense qui confirme l’impression laissée par la comédienne dans Temps mort l’année dernière, ou dans un tout autre registre, dans Chiennes de vie de Xavier Seron, six fois nominé cette année.
Il pleut dans la maison est produit par Sébastien Andres et Alice Lemaire pour Michigan Films, qui réalise un impressionnant triplé à l’occasion de cette 14e Cérémonie, puisque Michigan est également en lice pour le Magritte du Meilleur premier film avec Camping du lac d’Eléonore Saintagnan, et pour celui du Meilleur documentaire avec Les Miennes de Samira El Mouzghibati.