Avec En attendant Zorro (long métrage), Sarah Moon Howe part de sa propre situation, celle d’une mère vivant seule avec son fils bientôt adulte, porteur de handicap et non autonome. Comment vont s’organiser leurs journées, quand Jack ne sera plus attendu à l’école, quand Sarah n’aura plus la disponibilité pour écrire et réaliser ses films? La cinéaste part à la rencontre d’autres familles qui connaissent des enjeux similaires, avec comme guide un peu particulier Lucas, éducateur indépendant qui accompagne les parents aussi bien que les structures d’accueil, pour rendre plus fluide les relations entre adultes et enfants. A travers le portrait singulier de cet homme qui fait lien là où parfois il n’existe plus, c’est tout un système défaillant qui est interrogé. Une façon aussi de mettre en lumière des vies qui se vivent dans l’ombre, dans le secret des maisons. Par la force des témoignages sincères et frontaux que recueille la réalisatrice, le quotidien de ces familles oubliées du politique et du corps social se dessine petit à petit sous nos yeux. En attendant Zorro est produit par Françoise Levie pour Memento Productions.
Dans Les Miennes (long métrage), Samira El Mouzghibati tire le portrait des femmes de sa vie, sa mère et ses soeurs, et interroge le lien maternel. Tout commence par un coup de téléphone qui vire à l’engueulade, puis à la menace d’excommunication, jusqu’à la rupture. Avance rapide sur une réunion de famille. La mère est invitée à s’exprimer, par ses enfants et son mari, mais les mots ne lui viennent pas. Il faut dire que dans la famille, le dialogue intergénérationnel est au point mort. Le documentaire aurait pu s’appeler Comment j’ai rencontré ma mère. La cinéaste revient avec beaucoup de douceur sur l’arrivée de sa mère en Belgique, alors qu’elle vient tout juste d’être mariée à son père, qui voudrait qu’elle s’assimile. En filigranes, il raconte le parcours de ces villageoises déracinées, qui toute leur vie auront la nostalgie de leur terre. Elle revisite aussi ses choix et ceux de ses soeurs, comment chacune cherche sa liberté, cette liberté dont on comprend qu’elle est le legs silencieux de leur mère. Un travail d’acceptation qui s’opère, menant à une possible réconciliation. Les Miennes est produit par Alice Lemaire et Sébastien Andres pour Michigan Films, également en lice pour les prix du Meilleur film (et du Meilleur premier film) avec Il pleut dans la maison, et du Meilleur premier film avec Camping du lac.
Avec Mea Culpa (long métrage), Patrick Tass met en scène la relation à distance qui l’unit à sa mère, lui le fils libanais exilé en Belgique. Une relation qui mêle amour et mensonges, des bribes de conversation et quelques images du quotidien. Patrick vit sa vie d’homme amoureux à Bruxelles, et au fil des mois, on le voit sortir, s’amuser, et s’installer avec son compagnon. Mais pour sa mère, ce compagnon est un colocataire, « l’autre mec » qui vit avec lui. Alors qu’elle s’inquiète de le savoir seul en pleine épidémie de Covid, il garde le silence sur leur relation. Ce mensonge répond à un autre mensonge, fondateur. Enfant, Patrick a toujours pensé qu’il était libanais. C’est par hasard qu’il découvre un jour sur ses papiers d’identité qu’il est palestinien, et même réfugié. Il peine à se réconcilier avec ce statut d’apatride qu’on lui a caché. L’histoire singulière de Patrick et Randa s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’exil, le déclassement et les transfuges de classe, le patriarcat, le racisme et les rapports de domination, et surtout, alors que les mois passent, dans le présent qui semble se répéter d’un pays et d’un peuple martyrisés. Mea Culpa est produit par Ellen Meiresonne pour Atelier Graphoui, qui développe avec talent son catalogue documentaire, après s’être longtemps spécialisé dans l’animation.
Dans Sauve qui peut (long métrage), Alexe Poukine se penche sur les processus d’apprentissage auxquels participent les soignants pour développer leur sens de l’empathie, et en regard la difficulté d’entendre leur propre souffrance. Un rôle qu’ils endossent, mais que la réalité des conditions dans lesquelles va s’exercer leur pratique va largement remettre en question. Passée la première partie, qui s’arrête sur les émotions des patients, la façon dont celles-ci peuvent être contagieuses, le film s’attarde sur d’autres émotions, celles des soignants. A l’occasion d’un stage de théâtre forum, le jeu devient un outil pour exprimer la sensation de malaise commune à une grande majorité des soignants dans un système de santé à bout de souffle. Il leur permet de revisiter des traumas subis au travail, crises pendant lesquelles leur capacité d’empathie a pu être mise à rude épreuve, voire niée, rendue impossible. Et toutes les précautions déployées dans le premier mouvement du film, notamment la nécessité de prendre le temps, semblent bien dérisoires au regard de l’épuisement des personnels soignants. Sauve qui peut est produit par Benoît Roland pour Wrong Men, souvent nominé aux Magritte du Cinéma - notamment dans cette catégorie documentaire en 2019 pour La Grand-Messe et en 2021 pour Ma voix t’accompagnera.
Avec Crushed (court métrage), Camille Vigny revisite le documentaire à la première personne. L’été de ses 18 ans, la narratrice réalisatrice vit une relation toxique, sous l’emprise d’un homme violent qui l’étouffe au point de la tuer à petit feu. À l’écran, c’est une autre entreprise de démolition qui est donnée à voir, celle des courses de stock-car qui se déroulent de préférence l’été, où les voitures se choquent et s’entrechoquent, se fracassent les unes dans les autres, jusqu’à ne plus être que des carcasses fumantes. Une destruction méthodique dont l’écho résonne avec un autre été… Crushed est produit par Julie Freres pour Dérives, qui a déjà remporté le Magritte du Meilleur court métrage documentaire en 2023 pour Arbres.
Dans Irréprochables (court métrage), Flore Mercier, Sophie Breyer et Angèle Bardoux s’affranchissent des limites de la représentation documentaire. Confrontées à l’impossibilité de filmer leurs intervenantes, des mères qui mènent un combat acharné pour conserver ou récupérer le droit de garde de leur enfant, les réalisatrices orchestrent leur rencontre avec des comédiennes, qui vont prendre à leur compte l’interprétation de ces scènes vécues au sein de l’administration ou dans les tribunaux. Un dispositif atypique mais éloquent. Irréprochables est produit par Eva Deffet, Christophe Hermans, Alexia Rorive et Angèle Bardoux pour Anotherlight ASBL.
Dans Les Rengaines (court métrage), Pablo Guarise pose sa caméra dans un café du Nord du Bruxelles. Parmi la petite famille des habitué·es et autres piliers de bar, des voix s’élèvent. Tour à tour, chacun et chacune pousse la chansonnette, entonne l’une des rengaines du titre, ces airs que l’on ressasse, évoquant le passé en persistant dans le présent. Une façon de capter les petits riens, les regards humides, les gestes tendres, les éclairs de colère parfois, les frustrations lâchées dans un refrain. La petite comédie humaine, dans un café du Nord de Bruxelles. Comme Crushed, Les Rengaines est produit par Julie Freres pour Dérives.
Dans Les Vivant·es (court métrage), Inès Rabádan convoque le souvenir des disparus, le sien d’abord, son père, et ceux des autres, des enfants, des parents, des amis. Comment leur dire encore « tu », plutôt que s’adresser à elles et eux à la troisième personne? Comment les garder vivant·es, dans nos coeurs, comme dans nos vies? Est-ce qu’en aimant les gens, on leur offre l’immortalité? Un essai cinématographique libre et libéré des formats, à toutes les personnes, à commencer par le « je ». Les Vivant·es est produit par Anne-Laure Guégan et Géraldine Sprimont pour Need Productions, qui ont déjà remporté le Magritte du Meilleur documentaire pour Soy Libre en 2023.